samedi 2 novembre 2019

Vers plus de mises à jour ...

Cela fait plusieurs années que ce blog n'a plus vu aucune mise à jour sur ses pages, la vie professionnelle et familiale concentrant beaucoup de mon temps libre.
En ce début d'année universitaire je vous proposerai quelques articles dont j'ai déjà quelques idées en tête.
Mais surtout, afin de me mettre également à jour sur des préoccupations étudiantes à la sauce 2019, je vous serai reconnaissant de m'indiquer en commentaire vos propres questions ou besoins de conseils. Une réponse personnalisée arrivera rapidement.
A très bientôt.

mercredi 5 novembre 2014

Pourquoi psychologue ? Pourquoi clinicien ?

Le psychologue ne laisse pas son monde indifférent. Suscitant la curiosité, des fantasmes ou même  des craintes, ce métier fait toujours autant d'intéressés et suscite de nombreuses vocations parmi la masse estudiantine. Chaque année, vous êtes plusieurs milliers à vous inscrire dans le cursus psycho et pour la plupart d'entre vous ce premier pas dans l'univers du psychisme humain et le début d'une aventure vers l'inconnu. Attiré par "le mystère qui se cache derrière...", par "un métier socialement reconnu", ou peut-être "une voie de réponse à ses propres questions", l'étudiant L1 est généralement loin de la réalité du métier de psychologue. Quelques éclaircissements ....

La psychologie est une discipline atypique car son objet d'étude est celui-même qui tente de l'étudier. Elle est récente, elle est contredite, contradictoire, elle est méconnue, elle est puissante et parfois pervertie. En somme, elle est extrêmement complexe et multiple. Bon, commençons.

Le psychologue est spécialisé
Du fait de sa formation universitaire : les années de Licence abordent la discipline en général, balayant rapidement son histoire, ses différents domaines d'application ainsi que les autres disciplines plus ou moins liées. Le Master lui, qui sacre le professionnel, force l'étudiant à se restreindre à une partie des possibles de la psychologie : soit une partie de la population, soit une problématique particulière, soit une orientation théorique, etc. C'est la spécialisation. Les cours qui suivront feront donc l'impasse sur biens d'autres points de connaissance majeurs de la psychologie, la grande partie d'entre eux ne seront pas approfondis voire seront dénigrés ou déniés tout bonnement par les programmes d'enseignement. Ainsi, tous les psychologues ne se ressemblent pas, ils n'ont pas les mêmes connaissances, peuvent se contredire, parfois intelligemment, parfois violemment. Pour autant, au-delà de ces différences existe une identité professionnelle en constante évolution mais malgré tout fragile.

Du fait de ses propres peurs : Il est rare de rencontrer des psychologues s'intéressant à d'autres orientations théoriques ou d'autres champs d'application que ceux qu'ils ont pu suivre pendant leurs années de Master/DESS/DEA. Quasi religieusement, sans se poser trop de questions (on s'en pose déjà bien assez n'est-il pas ?), la plupart emprunte le chemin que leur faculté leur a tracé. Pourtant, tout psycho a pris connaissance que la psychologie ne peut aujourd'hui expliquer le monde du psychisme, qu'elle ne peut être qu'un point de vue actuel, partiel et critiquable de ce qu'est le psychisme. Si si, je vous assure cela sans mal !
Alors qu'est-ce qui peut expliquer cet étroitesse théorico-pratique, ou endoctrinement ?
- Une overdose de complexité : après tant d'études c'est bon j'en sais assez, et je peux considérer que c'est suffisant pour me dire psychologue aux yeux des autres. Ce que l'université valide d'ailleurs par le diplôme.
- La "croyance" d'avoir trouvé en la psychologie une "vérité". Une vérité face à ses propres questions narcissiques/identitaires, ou en renfort d'une forte religiosité refoulée. Note : ce côté obscur et sacré dans la discipline mériterait un article en soi.
- L'impression qu'il faille dire qu'on sait tout ce qu'il y a à savoir pour être reconnu par la société comme un professionnel légitime et respectable.

Du fait des attentes sociétales : Qui de l’œuf ou de la poule ?
Est-ce parce que la formation initiale "pond" officiellement des psychologues spécialisés que la société/les employeurs les attendent sous cette forme ? Ou est-ce la société qui n'a pas besoin de psychologues non spécialisés (ou spécialisé sur tout) ?

Si tout cela vous apparait encore abstrait, voici un sujet à vous mettre sous la dent :

C'était l'histoire du grand "Psychologue Clinicien"...

Le psychologue clinicien est un psychologue particulier, c'est LE vrai psychologue ! Parce que les autres, vous savez, ceux en entreprise ou dans l'éducation, c'est pas pareil...
Le clinicien, lui, sait écouter et comprendre la souffrance de l'autre, il sait même le guérir dit-on.

Vous aurez repéré mon petit ton ironique. Autant d'ironie que de désespoir car ce label auto-proclamé de "clinicien" est dommageable pour notre métier sur plusieurs points. 

- Il est abusif : tout psychologue possédant son Master 2/DESS/DEA est un psychologue formé à la clinique psychologique. S'il ne l'était pas, ce ne serait pas un psychologue. La clinique, dans son acception pure, est notre cœur de métier et particularise la démarche et l'éthique du psychologue. Cependant la pratique clinique dite "psychopathologique", dépend du secteur d'emploi et des missions conférées par l'employeur à son salarié ; Mais en théorie, tout psychologue diplômé serait en mesure de se former efficacement dans ce domaine particulier par ses propres moyens, même si son Master 2 incluait une autre spécialisation. De plus, et surtout, un Master "clinique psychopathologique" n'est absolument pas suffisant pour former de manière solide et exhaustive un professionnel efficace et "prêt à l'emploi" dans le domaine de la clinique psychopathologique. Tout psychologue sortant de Master 2 a besoin de plusieurs années sur le terrain pour devenir opérationnel sur ses premiers postes. 

- Elle combat l'unité de la psychologie en France : Encore aujourd'hui il est facile d'entendre sur les tribunes des amphithéâtres ou dans les arcanes de Pôle Emploi que les psychologues se disant "cliniciens" auront de meilleures perspectives d'embauche. C'est probablement vrai du fait des représentations de l'employeur lambda qui n'a qu'une connaissance partielle de la formation de psychologue. Mais cela crée une formation en psychologie à deux vitesses et une inégalité des chances entre les pros abusive (c.f point ci-dessus). 

- Elle sert de réceptacle glorieux aux égos de  nombreux pros frustrés narcissiques

Illustration
Petite recherche sur Google avec comme mot-clés "offre d'emploi psychologue clinicien", et l'on trouve cette annonce parmi beaucoup d'autres du même acabit :
UN PSYCHOLOGUE CLINICIEN (H/F) en CDD mi-temps (17 h 46')
Pour son service UEROS (Unité d'Evaluation de Réentraînement et d'Orientation Socio-professionnelle),
[...]


Missions et Compétences attendues :
Savoir évaluer, établir un bilan clinique spécifique, concevoir et conduire un projet de prise en charge, assurer la traçabilité de ses actes (dossiers patients, compte-rendu de bilan,...),
Savoir identifier, analyser, prioriser et synthétiser les informations relevant de son domaine d'activité professionnelle,
Savoir organiser et coordonner des activités pour la prise en charge des patients,
Savoir communiquer sur sa prise en charge et savoir appliquer les décisions en concertation avec l'équipe pluridisciplinaire,
Faire preuve de respect, de patience, d'écoute et de pédagogie (information, conseil) dans l'accompagnement des patients et de leur famille,
Avoir une capacité d organisation,  de gestion des priorités et des situations d'urgence,
Avoir le goût du travail en équipe pluridisciplinaire, faculté d'initiative et d'autonomie permettant de s'inscrire dans une démarche d'amélioration des pratiques professionnelles et de mise en place de la démarche qualité.
[...]

Diplôme et expérience requis
· Diplôme d'Etat de Psychologue Clinicien
· Expérience : expérimenté ou débutant
· La connaissance du public cérébro-lésé est souhaitée

 Compétences requises :
· Capacité d'organisation, de gestion des priorités et des situations d'urgence, faculté d'initiative et d'autonomie
· Avoir le goût du travail en équipe pluridisciplinaire
· Sens de l'écoute, du dialogue et de l'accompagnement des patients et de leur famille

Cette annonce décrit un poste pour lequel on demande un psychologue "clinicien" spécifiquement, comme si l'on faisait appel à un gage de qualité du professionnel lui même. Nous en revenons à cet aspect Label du terme de clinicien. Or tout diplômé d'un Master 2 psycho ferait ici l'affaire si tant est qu'il soit motivé par les missions du poste et qu'il se forme au préalable et sur site à la population des cérébro - lésés.

Conclusion
La clinique fait partie intégrante du tronc commun de notre formation et constitue l'essence de notre métier. Seulement un Master 2 n'est pas suffisant pour produire des professionnels spécialisés prêts à l'emploi comme le souhaiteraient les employeurs. Une formation sur le tas, additionnelle post-bac, ou plus globalement une formation continue sont les seuls gages d'une opérationalité d'un psychologue dans le monde du travail. La spécialisation intra Master 2 est donc un leurre pour l'employeur qui fige son exigence qualité uniquement sur cette dernière et peut arriver à penser qu'un psychologue "clinicien" serait un super psychologue ou un psychologue spécialisé en psychologie.

jeudi 3 mai 2012

Accéder au M2

Ça y est, nous y sommes enfin. Comment l'avoir ce M2 en pratique ? Pourquoi certains seront admis du premier coup et d'autres butteront chaque année face à un mur infranchissable ? Je n'ai malheureusement pas de solution mais peut-être quelques propositions utiles, issues de ma petite et fraiche expérience. Voilà un "petit" chapitre dont les maîtres mots seront préparation, opportunisme, réalisme et croisement de doigts !

Quand on est en Licence, l'admission en Master 2 nous parait bien loin. On a d'autres chats à fouetter avant de se retrouver confronté à ce problème. C'est une fois en M1 que les étudiants commencent à prendre les choses en main, mais il est souvent et malheureusement trop tard. Pour reprendre ce qui s'est dit dans les précédents chapitres de ce blog, votre candidature en M2 doit être l'aboutissement d'une construction de projet s'inscrivant dans la cohérence, la durée et intégrant les principaux éléments conjoncturels.

En Licence, depuis la première année de psychologie, l'université vous informe des modalités de réussite aux examens universitaires de contrôle de connaissance (cf. guide de l'étudiant), vous savez donc pourquoi vous pouvez échouer ou réussir vos partiels. En revanche, à la fin de votre M1, les règles ne vous sont plus exposées, on vous demande tout simplement de postuler à un M2 sans aucune remarque particulière, à part peut-être "c'est sélectif donc multipliez vos candidatures". En gros, foncez ! Mais où et comment rien n'est moins sûr...
Les étudiants plus pessimistes chercheront quelques informations via internet ou leur entourage pour augmenter leurs chances de réussite ; les plus optimistes feront simplement leur petite démarche administrative : écrire deux pages et remplir un dossier, sans trop s'inquiéter.

Vous l'avez compris, avoir réussi haut la main tous vos partiels ne vous assurera pas, en vue du M2, votre place au niveau supérieur.

La constitution de votre candidature devrait selon moi prendre en compte plusieurs choses (en plus des pièces demandées) :
  • La connaissance de vos lacunes
  • La connaissance des particularités et spécificités de l'université à laquelle vous postulez
  • La prise en compte d'avis d'anciens étudiants du M2 désiré
  • Une mise en forme attrayante
  • Et, cerise sur le gâteau, un contact personnel avec au moins un des enseignants du Master en question.
  1. Concernant vos lacunes : Il faut apporter la réponse à vos points faibles avant d'attendre une réponse négative des recruteurs. Oui, c'est souvent le cas pour chacun d'entre nous, fermer les yeux sur nos "imperformances" est toujours le plus confortable pour notre ego.En candidature sur dossier (première étape du processus de recrutement), il n'y a pas d'échange mais juste une bille à faire entrer dans un trou : les professionnels ont des attentes précises, ont souvent en tête un profil-type du bon candidat, et ne vont pas sonder votre dossier à la recherche du positif. Ce positif doit être visible et prêt à consommer en quelques secondes !
    Exemples :
    Il vous manque de l'expérience pratique ? Profitez de l'année en cours pour vous inscrire en DU, pour suivre des formations et assister à des colloques / conférences, investissez vous dans du bénévolat (il y a souvent des propositions d'aide non rémunérée pour les personnes handicapées, l'aide au devoir, etc.) ou dans une association. Au manque d'expérience en psychologie vous répondez "expérience valorisable ailleurs". Cette stratégie, il ne faut pas se leurrer, ne fera pas d'un mauvais dossier un bon, mais elle vous apportera des sympathies déterminantes lorsque votre candidature sera en balance avec une autre.

    Vous n'êtes pas sûr de votre projet professionnel ? N'hésitez pas à échanger avec des pairs et des psychologues sur des forums dédiés qui pourront peut-être vous aider et vous repositionner. Il me semble qu'il n'est jamais trop tard de réinterroger son projet professionnel, même si ce dernier vous a animé pendant des années et si vous vous y êtes vu et identifié. Un projet inhabité peut faire tache dans votre candidature.

    Vous manquez d'assurance ? Je vous passe le conseil très usuel de vous inscrire à des cours de théâtre, je n'aime pas le théâtre. Les Maisons de l’Étudiant des université peuvent proposer à tout étudiant une formation au recrutement M2. Dans certaines facultés ce service est bien connu des étudiants qui n'hésitent pas à en profiter, dans d'autres ce n'est pas le cas. Généralement, la ME (ou la structure équivalente) vous propose un atelier conception de CV et lettre de motivation, et un atelier simulation d'entretien par des professionnels qualifiés et qui connaissent d'assez près la réalité des jurys M2 de votre fac. C'est gratuit, il n'y a pas de jugement, pourquoi s'en priver ?

    Vous n'avez pas le moral, vous n'êtes pas bien dans vos baskets ? (a parte : Pour ceux qui s'orientent vers le soin, je dirais que c'est un peu une évidence. Quel futur clinicien rayonne dans son for intérieur ?) Il faut absolument aller bien, ou en tous cas le montrer clairement, devant le recruteur. Soit vous pensez que vous allez pouvoir faire illusion, ça peut se tenter ; soit vous vous faites aider (travail personnel, aide de l'entourage). Quoi qu'il en soit, gardez à l'esprit qu'un candidat qui fait trop transparaitre son mal être n'est pas séduisant et se pénalise d'emblée. Les recruteurs n'ont pas à faire de la compassion et ne vont pas, encore une fois, faire des efforts pour extraire en vous vos valeurs cachées.

  2.  Les spécificités de l'université : Comme déjà dit précédemment, toutes les universités ne se ressemblent pas. Les informations facilement accessibles pour "orienter" votre candidature sont :
    • le nombre de places ouvertes pour la prochaine promotion M2
    • l'orientation théorique majoritaire des enseignements
    • le nom du responsable de Master et son profil professionnel
    • le programme annuel des enseignements et les thèmes associés.
    Ces infos sont disponibles via internet (mail au responsable ou site de la composante de l'université). De surcroit, il existe d'autres données plus cachées : inscrivez-vous sur le forum étudiant de l'université à laquelle vous postulez - ou le forum de la F.F.P.P. - et recherchez des membres de la dernière promo M2 de votre discipline. Ces derniers pourront vous indiquer :
    • si les candidats retenus sont majoritairement locaux ou nationaux
    • leurs expériences de stage
    • ce qui a joué en leur faveur lors des jurys
    • les pièges à éviter
    • la personnalité des professeurs qui pourraient être en jury cette année
    • la politique du département de psychologie concernant la recherche des stages (faut-il en trouver avant même d'envoyer le dossier de candidature ? Si non, le fait d'avoir une promesse de stage peut-il être un avantage de poids ?)

  3. La mise en forme compte : L'apparence peut valoriser votre candidature, mais cela reste un détail malgré tout. Ce sont surtout la rédaction de votre lettre de motivation (fautes d'orthographes rédhibitoires, style clair et concis) et la conception de votre CV (originalité, esthétisme, clarté et cohérence)  qui doivent être soignés. A travers cela, on pourra interpréter plus ou moins justement, plus ou moins volontairement, votre maturité et votre équilibre personnel. Donc, même si le temps vous est compté et que les candidatures dossier sont des tâches répétitives et pénibles, réservez quelques heures à cet aspect.

  4. Avoir un contact personnel : Nombreuses personnalités dans les hautes sphères de la psychologie universitaire préfèrent recruter une personne connue plutôt qu'un total inconnu, à compétences équivalentes sur le papier. A savoir pourquoi, j'y vois la prolongation du système de réseau déjà tellement présent et installé dans le monde professionnel ; j'y vois aussi l'envie des membres du jury de constituer une promotion a minima agréable pour eux (ils vont se fader la présence et la personnalité de leurs "élus" pendant un an ! Autant alléger les longues heures de travail à venir des éléments potentiellement désagréables).

  5. Bonus ! : C'est le point sur lequel je pourrais me faire taper sur les doigts, mais c'est véridique. Pour quelques uns des enseignants-recruteurs, et cela me dérange énormément, la présentation des candidat(e)s lors de l'oral peut faire (plus que) pencher la balance. Je ne m'étalerai pas sur l'importance de l'esthétisme du candidat, il ne devrait pas en être question, mais faites attention ! Mesdemoiselles, par sécurité, sortez la jupe et les talons ; Messieurs,la chemise est vivement conseillée (bien qu'il y ait généralement moins de recruteur femme).

(Petite parenthèse personnelle)

Après un laps de temps de non activité sur le blog, j'y reviens aujourd'hui avec une nouvelle dynamique. 
Ayant enfin trouvé mon premier emploi après plusieurs mois de recherche, mon regard sur la formation de psychologue en a été quelque peu enrichie : plusieurs messages qui seront postés prochainement aborderont la question de l'insertion des psychologues dans le milieu de l'emploi. J'y exposerai ma progression, mes techniques, mes ratés, et les pièges dans lesquels j'ai pu tomber. 
Ce blog étant principalement à destination des étudiants et basé sur la formation universitaire, je tenterai de faire le plus possible de liens entre l'insertion pro, les choix estudiantins dès la Licence, et la construction de son projet professionnel. Tous trois conditionneront la possibilité de décrocher un jour un premier emploi de psychologue. A suivre donc...

mardi 31 janvier 2012

Guerres de chapelles : 2. Affrontements

Suite du dossier. Passons par la petite porte et entrons dans les coulisses de l'université. Les temps étaient cléments mais aujourd'hui le ciel s'obscurcit et la guerre pointe le bout de son nez...

Affrontements

Université Charles de Gaulle à Lille 3, Licence 2 et 3 (ex Deug 2 et Licence)

L'année de L2 s'est avérée pour moi très malmenante. Elle n'en a pas moins été extrêmement enrichissante. Alors que je débute l'écriture de ce chapitre, je me dis que ce sera dur de décrire ma L2 et de retranscrire ce qu'elle m'a apporté à ma réflexion.

Grâce au très récent (à l'époque) système LMD, effectuer un parcours de psychologie dans différentes universités ne pose en théorie plus d’inconvénients majeurs. Les grandes lignes du programme sont communes à toutes les facultés. Après avoir validé mon parcours via plusieurs universités françaises, je soutiens que c'est possible en effet. Et j'invite même tout étudiant à ne pas réaliser son cursus dans une seule et même université : en réalité, chaque département de psychologie possède encore sa propre "version" du programme et sa propre façon d'enseigner la discipline. Donc, si vous souhaitez obtenir une connaissance des plus objectives de la psychologie, il vous faut accéder à un maximum de versions possible et aller chercher ailleurs de nouvelles clés de compréhension et d'appréhension.

A Tours, j'avais réussi à protéger ma rigolote équation psychologue=Freud, équivalent à psychologie=psychanalyse. Cette représentation de la psychologie était issue de ma découverte avec l'étude du psychisme telle qu'exposée dans "Métapsychologie", premier bouquin à consonance psychologique à se retrouver par hasard dans mes mains. A Lille, bastion des théories cognitivo-comportementales, de la neurospychologie et de l'analyse comportementale appliquée, mes représentations naïves allaient subir le feu de la réalité. 

Dès les premiers jours je m'aperçois que le programme est teinté : très peu de psychanalyse et beaucoup de matières revendiquant leur "objectivité scientifique". Oui à Lille 3, à cette époque, les enseignants-chercheurs revendiquent, critiquent, jugent aisément. Le climat est tendu, les étudiants semblent être mis en joue : moi, comme d'autres qui viennent d'ailleurs, comprenons tout de suite qu'il ne faut pas tergiverser sur le cours enseigné et qu'il faut écouter sans discuter. La première semaine à Lille, lors d'un cours de psychologie cognitive, le prof nous lance un pamphlet sur la psychanalyse. Je suis un peu irrité mais n'ose ouvrir la bouche devant un homme très énervé et sérieusement résolu. Des camarades s'y essaient et se font casser brusquement. L'homme en sait beaucoup manifestement. Une fois le cours terminé, un camarade tente d'entrer en débat avec lui et je suis les deux dans les couloirs. Le ton monte, et le prof nous dit : "Ce n'est pas la peine de continuer là-dessus et en plus je ne suis pas spécialiste de la cognitive, moi je suis comportementaliste ! Maintenant laissez moi s'il vous plait je vais déjeuner". Autre expérience : lors d'un cours en amphi, un psychologue psychanalyste (j'en ai vu peu) décrit le cas du petit Hans à l'auditoire, il est tendu et fait un effort manifeste de simplification. Après quelques minutes, j'entends des sifflets et des rires à peine dissimulés derrière moi. La sexualité telle que décrite par Freud ne plait pas, et la salle se déconnecte du cours. A la pause, deux étudiants échangent avec le prof mais près de la moitié de l'amphi ne reviendra pas pour la fin du cours. La psychanalyse n'est pas la bienvenue ici et je découvre avec étonnement qu'elle est critiquable, critiquée et l'objet de sarcasmes.

L'affrontement commence. Parmi une flopée d'infidèles, j'essaie de rallier à ma cause des camarades étudiants a priori psycha-compatibles. Sans surprises, mes nouveaux camarades sont ceux issus d'une autre université. A chaque intercours, ma petite troupe se réunit autour d'un café et se lance dans d'ambitieux débats sur pour ou contre la psychanalyse. Les échanges sont de haut niveau et nous nous considérons comme le petit village gaulois qui résiste à l'envahisseur. Mais, problème, nous ne connaissons pas bien l'"envahisseur" ! Et malgré les débats, on le sait bien au fond de nous, nous ne changerons pas d'avis sur la psychanalyse car y sommes à peu près tous favorables.

Mes deux années passées à Lille 3 ont été pour moi celles d'une réelle méta-psychologie et de l'affaiblissement progressif de mes fraiches certitudes. Les enseignements sur le comportementalisme et la cognitive étaient de qualité. D'autres façon d'envisager le mot "psychologie" sont nées en moi et tout ce qui me semblait contradictoire est apparu progressivement complémentaire. 
Reste ce climat d'éternelle critique, de fanatisme patenté et fortement regrettable, qui s'étend du corpus enseignant aux étudiants lillois qui, depuis leur L1, ne suivent qu'une seule idéologie. Je suis navré pour eux qui restent imperméables à une vision autre de la discipline.